Chapitres

Virus de la grippe

Virus

Orthomyxovirus

V.2.1. Orthomyxovirus

Les virus influenza appartiennent à la famille des Orthomyxoviridae, qui comporte en tout 5 genres. Seuls les virus Influenza infectent l’homme.


V.2.3. Virus de la grippe - vidéo (René Snacken)

Famille Genres Hôtes
Orthomyxoviridae Virus Influenza A Oiseaux aquatiques (nombreuses espèces animales dont l’homme)
  Virus Influenza B Homme
  Virus Influenza C Homme (cochon)
  Thogotovirus Tiques (moustiques, probablement bétail)
  Isavirus Saumon

V.2.2. Tableau

Ce sont des virus enveloppés à ARN monocaténaire de polarité négative et segmenté. Il en existe trois types infectant l'homme: influenza A, B et C. Influenza C est beaucoup moins important du point de vue de la pathologie humaine, tant par son importance que par sa fréquence.

Influenza A est prépondérant en médecine humaine. Il provoque les épidémies les plus importantes ainsi que certaines pandémies.

 

Virus chez les animaux

V.2.4. Virus chez les animaux
Les virus influenza A sont à l’origine des virus d’oiseaux aquatiques (canards, mouettes, etc….)
A partir de ce foyer de nombreuses espèces ont été contaminées,
dont l’homme, et actuellement il y a une circulation du virus dans la population humaine et porcine.

La structure du virus

La structure du virus Influenza A est donnée ici. Le génome viral est composé de 8 segments (Figure V.2.5) d’ARN de polarité négative (Influenza B en a également 8 mais Influenza C n’a que 7 segments). Chaque segment d'ARN est associé à des protéines et forme donc un complexe ribonucléoprotéique. Le génome viral est donc formé d'un ensemble de 8 ribonucléoprotéines (RNP) différentes. Ces ribonucléoprotéines sont en contact avec la protéine M1 (matrice), qui forme une couche protéique à l'interface des RNP et de l'enveloppe. L'enveloppe porte deux types différents de glycoprotéines : l'hémagglutinine (H ou HA), qui est responsable de l'attachement du virus au récepteur, et la neuraminidase (N ou NA), qui a une fonction enzymatique  de sialidase (clive les acides sialiques). Les virus influenza A des oiseaux aquatiques possèdent la plus grande variété d’hémagglutinines (H1 à 16) et de neuraminidases (N1 à 9).  L'enveloppe comporte une troisième protéine virale non-glycosylée, appelée M2. Celle-ci s'associe en tétramères qui forment des canaux membranaires qui permettent le transport d’ions H+ à travers l'enveloppe virale. Chez le virus Influenza B, cette structure d’enveloppe est quelque peu différente, avec la protéine BM2 qui remplace la protéine M2, et une protéine d’enveloppe additionnelle, NB. Les canaux ioniques de ce virus sont donc partiellement différents et ne sont pas bloqués par les médicaments bloquant les canaux de Influenza A (voir plus loin).

N° de segment

Protéine(s) encodées

Fonction principale

1

PB2

Composante de l’ARN polymérase

2

PB1

Composante de l’ARN polymérase

3

PA

Composante de l’ARN polymérase

4

HA (ou H)

Hémagglutinine

5

NP

Liaison avec l’ARN (forme les RNP ou ribonucléoprotéine)

6

NA (ou N)

Neuraminidase

7

M1
M2

M1 : protéine de matrice
M2 : canal ionique

8

NS1
NEP/NS2

NS1 : protéine fonctionnelle
NEP/NS2 : protéine fonctionnelle transport nucléaire des RNP


V.2.5. Tableau : Segments d’Influenza A et protéines encodées

 

V.2.6. Cycle viral de la grippe
Après bourgeonnement les particules virales restent liées à la cellule et entre elles par la liaison avec l’acide sialique.
La neuraminidase, présente à la surface de l’enveloppe virale permettra de cliver la liaison entre l’acide sialique et le galactose, libérant ainsi le virus. (activation de l’image « libération »)
Cliquez sur les différentes zones pour voir le détail de la partie du cycle concerné.

Cycle viral

Le virus s’attache à une cellule par son hémagglutinine. L'hémagglutinine est assemblée sous forme de trimère. Chaque monomère est constitué de deux parties, HA1 et HA2, maintenues entre elles par un pont disulfure. HA1 est une partie globulaire responsable de l'attachement au récepteur. C'est aussi la partie qui porte les principaux déterminants antigéniques. HA2 est une partie allongée, qui assure l'ancrage de l'hémagglutinine dans l'enveloppe virale, grâce à un segment transmembranaire. L'hémagglutinine reconnait l’acide sialique, lié en position α2-3 ou α2-6.

voir figure de l’attachement (Figure V.2.7)

Attachement

V.2.7. Attachement  

L’acide sialique est le récepteur cellulaire pour le virus influenza. La configuration α2-3 est surtout présente chez les oiseaux aquatiques tandis que la configuration α2-6 se retrouve au niveau des voies respiratoires de l’homme. Les deux formes se retrouvent chez le cochon. Ceci explique une partie de la spécificité des souches Influenza A pour l’homme ou l’oiseau, et le fait que le cochon est facilement infecté par des souches d’origines différentes.

Après attachement du virus au récepteur, le virus est internalisé dans un endosome. Cette internalisation permet la fusion des membranes, suivie de la libération des RNP dans le cytoplasme cellulaire.

 

Après attachement du virus au récepteur, le virus est internalisé dans un endosome. Cette internalisation permet la fusion des membranes, suivie de la libération des RNP dans le cytoplasme cellulaire.

voir figure fusion des membranes et figure décapsidation (Figure V.2.8)

Fusion des membranes et décapsidation 

V.2.8. Fusion des membranes et décapsidation

Dans l’endosome règne un milieu acide, qui se propagera à l’intérieur du virus par le transport d’ions H+ à travers le canal ionique, constitué par les protéines M2. Le pH acide entraine un changement de conformation de l’hémagglutinine qui expose alors le peptide de fusion présent à l'extrémité C-terminale de la partie HA2. Le peptide fusogène pénétre dans la membrane de l’endosome et le changement conformationnel de l'hémagglutinine permet alors le rapprochement, puis la fusion des membranes du virus et de l’endosome. Ensuite une décapsidation s’opère, libérant les huit RNP.

Les ARN viraux sont ensuite transportés vers le noyau cellulaire ou le cycle de réplication se déroule (A cet égard, le virus de la grippe constitue une exception notoire, la majorité des virus à ARN ayant un cycle de réplication cytoplasmique). Dans le noyau, chaque segment de l'ARN viral (négatif) est, d’une part, transcrit en ARN messager (polarité positive) et, d’autre part, répliqué pour former de nouveaux segments génomiques viraux (ARN- > ARN+ > ARN-). Les ARNm produits à partir des segments 7 et 8 subissent un épissage différentiel ce qui permet la synthèse de 2 protéines différentes à partir d'un même segment (Ex. le segment 7 fournit deux protéines: la protéine M1 qui forme la matrice(ref I.3.1.3) et la protéine M2 qui forme les canaux ioniques). C'est l'utilisation de l'épissage différentiel qui explique sans doute le fait que le cycle viral soit nucléaire.

Dans le cytoplasme les différentes protéines virales sont produites et ensuite assemblées. Les glycoprotéines d'enveloppe sont transportées vers la membrane. Les protéines NP se lient aux brins d’ARN de polarité négative pour former les RNP qui s’allient à la protéine M1 formant la matrice. Les virus sont libérés par bourgeonnement. A ce moment-là les particules virales sont liées entre elles et à la membrane cellulaire par des molécules d’acide sialique. La neuraminidase va permettre la libération des virus par hydrolyse de la liaison acide sialique – galactose.

L’hémagglutinine est produite comme une longue protéine HA0 qui doit être clivée en HA1 et HA2 après son incorporation comme trimère à la particule virale, afin de rendre le virus infectieux. Ce clivage est opéré généralement par une protéase présente dans les sécrétions de certaines cellules respiratoires. Dans les cas où l’hémagglutinine possède un site de clivage dit « multibasique » (plusieurs acides aminés basiques), elle peut être clivée par des protéases cellulaires, présentes dans de multiples cellules. C’est la caractéristique des influenzas aviaires hautement pathogènes (HPAI) tel le virus A/H5N1 qui circule actuellement dans les élevages de volaille. Ces virus se multiplient dans de nombreux tissus de l'oiseau, menant rapidement à sa mort.

Variabilité virale

Il existe de nombreux type d'hémagglutinines (H1 à H16) et de neuraminidases (N 1 à N9) chez les influenza A aviaires. Chez l'homme on connaît 3 H et 2 N. Il existe deux types de variations génétiques (et donc antigéniques) du virus qui se traduisent respectivement par la "dérive antigénique" et par le "saut antigénique".

  • La dérive antigénique
    (ou "drift" en anglais) est liée à une variation lente et progressive du génome viral, survenant par mutations ponctuelles apparaissant au cours des cycles de réplication du génome. Du point de vue antigénique, les mutations importantes affectent surtout l'hémagglutinine, mais également la neuraminidase.
  • Le saut antigénique
    ("shift" en anglais) qui apparaît dans le cas d'influenza A, est du a des modifications majeures et soudaines du génome viral. Les souches présentant un saut antigénique peuvent apparaître par transmission directe à l'homme de souches d'origine animale. Elles sont plus souvent dues à un réassortiment génétique survenu entre souches humaines et animales.

Epidémiologie

La grippe évolue sous forme de pandémies ou d’épidémies saisonnières : les pandémies, uniquement dues au virus Influenza A, surviennent à intervalles irréguliers d'au moins 10 ans et affectent une grande proportion de la population. Les pandémies surviennent à la suite de l’introduction d’un nouveau virus ou d’un virus ayant subi un saut antigènique. Les épidémies interpandémiques ou saisonnières, d’intensité variable, surviennent annuellement pour la grippe A, et à intervalles plus espacés pour la grippe B. Lors d'une épidémie, le virus peut affecter 5 à 15 % de la population. Les vagues d'infections grippales surviennent presque toujours en automne ou en hiver. La grippe B se répand habituellement de manière plus locale . Les enfants, qui font peu de complications, jouent un rôle important dans la dissémination du virus car ils excrètent le virus plus massivement que les adultes. L'apparition des épidémies de grippe est liée à l'émergence de virus antigéniquement différents des précédents (qui ont subi une dérive antigénique) et au pourcentage de sujets réceptifs (sans anticorps) dans la population. Début 2009 les types d'influenza A circulant dans la population humaine étaient le H3N2 et le H1N1 ainsi que des virus réassortis H1N2.

Ligne du temps du virus de la grippe

V.2.9. Ligne du temps du virus de la grippe 

Cette situation a changé suite à la nouvelle pandémie, qui a commencé au début de l’année 2009 au Mexique. Le nouveau virus est un virus H1N1, assez différent du H1N1 précédent, circulant probablement depuis quelques années chez le porc. Ce virus, appelé A/H1N1v, est issu du réassortiment de segments d’origine porcine américaine, humaine et aviaire. Lors d’un dernier réassortiment deux segments originaire de cochons euro-asiatiques ont été acquis.

Hypothèse sur la genèse du virus pandémique 2009
V.2.10. Hypothèse sur la genèse du virus pandémique 2009
Source : Trifonov et al. N Eng J Med 2009, 361:115-119

 

La surveillance épidémiologique de la grippe (en Belgique par l’Institut scientifique de Santé publique) fait appel à un réseau important comprenant des médecins praticiens, des laboratoires de virologie et des centres de référence nationaux et internationaux. La surveillance de la grippe européenne est gérée par le European Influenza Surveillance Network (EISN). Au niveau mondial les données sont centralisées par l’Organisation mondiale de la Santé.

Occasionnellement, les humains peuvent être directement infectés par des virus d'origine aviaire. Ainsi, en 2003, lors de l'épidémie d'influenza H7N7 aviaire qui a sévi dans les élevages de poulets en partant des Pays-Bas, des cas de conjonctivite ont été observés ainsi que le décès d'un vétérinaire par pneumonie. De même depuis 2003, une épizootie (=épidémie animale) incontrôlée par H5N1, chez la volaille et chez certains oiseaux migrateurs, entraîne des cas sporadiques humains d’une maladie s’accompagnant de détresse respiratoire avec une forte mortalité (50%).
http://www.who.int/topics/avian_influenza/fr/index.html

Transmission

Le virus de la grippe se transmet par voie aérogène, par gouttelettes respiratoires ou par aérosols, générés lors de la toux et des éternuements . Cependant, il peut également se transmettre par contagion à partir de l’environnement, particulièrement via la contamination des mains.

Un patient est infectieux dès le jour qui précède la survenue de symptômes clairs et le reste généralement pendant 5 à 7 jours. Il est à remarquer que la sécrétion de virus peut être plus longue chez les patients immunodéprimés et chez les petits enfants.

Infection humaine

Le virus pénètre par voie aérienne et l'inflammation atteint habituellement le tractus respiratoire supérieur: rhino-pharynx, trachée et bronches, avec nécrose des cellules ciliées et des cellules à mucus. L'incubation est de 2 à 7 jours, le début de l’accès grippal est brutal et caractérisé par de fortes fièvres, des myalgies, un malaise général et des signes d'irritation conjonctivale , laryngo-trachéale ou bronchique, et parfois par de la diarrhée. La fièvre dure quelques jours et peut avoir une allure diphasique. Les complications peuvent être liées au virus (oedème aigu du poumon, pneumonies, atteintes neurologiques...), à une surinfection bactérienne (pneumonie,...) ou à l'aggravation d'une maladie sous-jacente (cardiaque, pulmonaire, etc…). La grippe est responsable d'une augmentation de l'hospitalisation et de la mortalité chez les sujets âgés, ou des sujets présentant des insuffisances chroniques cardiaques, rénales ou pulmonaires , ou certaines maladies métaboliques comme le diabète.

Diagnostic au laboratoire

Le diagnostic rapide est fondé sur la présence d'antigène viral dans le prélèvement respiratoire, décelé par une technique d'immunofluorescence ou par une technique immunoenzymatique. L'isolement du virus, méthode la plus sensible, est réalisé sur œufs de poule embryonnés ou sur des cultures de cellules de rein de singe, en présence de trypsine (celle-ci permet d'aider le clivage de l'hémagglutinine en HA1 et HA2). Les virus influenza produisent peu d'effet cytopathique, et la présence du virus est démontrée par l'apparition d'une activité hémagglutinante. La recherche d’antigènes viraux sur culture cellulaire , à l'aide d'anticorps monoclonaux, a permis d’accélérer la détection virale. Par ailleurs, la RT-PCR est utilisée de plus en plus largement, car cette technique possède une haute sensibilité de la détection et permet un typage du virus. La recherche d'anticorps n’a qu’une valeur limitée, mais peut être utile dans les complications tardives de la maladie où le virus est souvent plus difficile à détecter. Les méthodes de diagnostic rapide par détection d'antigènes ne suppriment pas l'utilité de l'isolement des virus, nécessaire pour leur caractérisation ultérieure. La caractérisation des virus est particulièrement importante pour définir la composition future du vaccin.

Au cours d'une épidémie, il n’est pas utile de diagnostiquer tous les cas, mais il faut pouvoir agir rapidement sur base d’une présomption.

Prévention

De nombreux types de vaccins inactivés sont utilisés mais la protection, qui est bonne chez les personnes en bonnes santé, n'est que d'environ 50 % chez les personnes âgées. Le vaccin est adapté chaque année pour correspondre aux virus circulants et doit être administré annuellement en automne aux personnes à risque ainsi qu'à ceux qui sont en contact familial ou professionnel avec celles-ci. https://portal.health.fgov.be/pls/portal/docs/...
 

La diminution de la circulation du virus dans l’environnement des personnes à risque , par la vaccination des soignants qui réagissent beaucoup plus efficacement au vaccin, est probablement la mesure de prévention la plus efficace. Il est important d’en être conscient quand on travaille dans le secteur médical. Les vaccins saisonniers actuels contiennent des hémagglutinines et des neuraminidases purifiées à partir de deux souches d'influenza A (H3N2 et H1N1) et d’une souche d'influenza B.

La transmission du virus de la grippe est favorisée par la proximité des gens : éviter les rassemblements est donc utile au plus fort d’une épidémie. Le port d’un masque peut se justifier lors de manœuvres à risque, tel la prise d’échantillons ou l’intubation. Il est important de recommander aux patients de se moucher et de se protéger la bouche et le nez lors d’éternuements avec des mouchoirs en papier qui sont ensuite jetés. Le lavage des mains est primordial, ainsi que la désinfection des surfaces dans une chambre de malade.

Traitement

Pour les virus influenza A, on dispose d'un composé pharmacologique (Rimantadine) à effet préventif. C’est un médicament utilisé dans la maladie de Parkinson et qui bloque les canaux ioniques (protéine M2) d’Influenza A. La résistance (tableau V.2.12) à ce produit a fortement augmenté avec comme conséquence une diminution de l’efficacité. Il n’est plus recommandé.
 

Actuellement des inhibiteurs de la neuraminidase sont disponibles : zanamivir (Relenza®)(par inhalation) et oseltamivir (Tamiflu®)(oral). Comme leur nom l’indique ils bloquent la neuraminidase et empêchent ainsi la libération des particules virales. Ils sont actifs tant contre l’influenza A que contre l’influenza B. Ils peuvent être utilisés de façon prophylactique ou comme traitement. Ils diminuent la durée et la gravité de la maladie s'ils sont administrés dans les 48 heures suivant le début des symptômes. L’apparition, au cours de la saison 2007-2008, de virus influenza A (H1N1) saisonniers résistants à l’Oseltamivir et capables de se transmettre, incite à une utilisation prudente et limitée de ces produits. Le nouveau virus A/H1N1v est actuellement (2011) sensible aux deux inhibiteurs de la neuraminidase.

Sites d'activité des différents antirétroviraux.

 V.2.11. Sites d'activité des différents antirétroviraux.

Periode

N d’isolats

% resistant

1992-1995

991

0.8

1996-1997

508

0.4

1998-1999

510

2.2

2000-2001

283

1.4

2002

290

1.4

2003

174

1.7

2004

466

1.9

Oct.’04-Ma.’05

636

14.5

Oct. –Dec. ’05

209

92.3

V.2.12. Tableau : Incidence de la résistance de Influenza A/H3N2 à l’amantadine aux Etats-Unis de 1992 à 2005.
Hayden, N Eng J Med 2006, 354, 785-788